À quoi ressemblera notre monde en 2076 ? Le designer automobile Ali Cam se met dans la peau de Nostradamus et tente de répondre à cette mystérieuse question. En grande entrevue, le designer passionné de science-fiction nous parle de grandes révolutions automobiles et de son concept Apple Car 2076.

Comment a débuté votre passion pour Apple ?

Adolescent, j’écoutais sans arrêt et à haut volume des trames sonores de films. Je n’avais pas réalisé que le son de ma musique dérangeait vraiment toute la famille. Ils ont réglé la situation à mon anniversaire en m’offrant un iPod Touch. C’était un objet révolutionnaire en comparaison à mon vieux téléphone portable. Avec mon iPod Touch, j’écoutais de la musique et je rêvais jusqu’au matin! C’est à ce moment que Apple a retenu mon attention. J’admire leur créativité et je respecte beaucoup Steve Jobs pour sa grande vision et sa force de caractère. Apple m’inspire par leur façon de résoudre les problèmes et les erreurs de la façon la plus simple, créant ainsi les produits les mieux conçus pour notre style de vie.

Parlez-moi de vous. Comment a débuté votre intérêt pour le design automobile ?

C’est une longue histoire ! Comme la plupart des designers automobiles, mon aventure a débuté avec une passion pour le dessin. À l’école primaire, j’étais très intéressé par les cours d’art. Me regardant dessiner, mon professeur mentionna à ma famille que j’avais un certain potentiel artistique. C’est à ce moment que tout a changé. Après mon primaire, on m’a encouragé à étudier dans une école d’art. Par la suite, à l’école secondaire, je dessinais déjà toutes de sortes de véhicules. J’ai donc décidé de m’orienter vers le design industriel à l’université. À l’époque, je ne pouvais pas avoir accès à un programme d’études en design de véhicules de transports.

À la fin de mes années d’études, je me suis inscrit à une compétition internationale à la Domus Academy à Milan. J’ai ainsi eu la chance de mériter une bourse pour faire une maîtrise en design automobile. Quelques années après, j’ai commencé à travailler pour le Studio de design de Ford en tant que designer. Ça semble bien étrange, mais je crois que je suis tombé amoureux de la création de sculptures cinétiques. Selon moi, les voitures et autres moyens de transport ressemblent à ces créatures conçues pour se mouvoir. J’ai ainsi une grande passion pour créer ces «sculptures de transports».

Milan est réputé pour être l’un des meilleurs endroits pour étudier le design. Parlez-moi de votre expérience d’études en Italie.

J’ai eu beaucoup de chances d’étudier à Milan. Bien souvent, la vie dans les grandes villes est écrasante, étant donné la congestion automobile et l’environnement. Mais pas à Milan. Là-bas, tout est bâti avec un grand sens de l’équilibre qui nourrit notre corps et notre esprit, grâce aux bâtiments historiques, aux boutiques de design et bien sûr de façon plus essentielle, grâce aux gens qui y vivent.

Milan a une perspective remarquable des arts et du design, provenant sans doute de l’époque de la Renaissance. C’est aussi un fantastique point de rencontre de designers internationaux. Étudier à l’Académie Domus m’a beaucoup nourri et m’a donné la chance de bien me préparer au monde du travail en design. Ainsi, j’ai eu l’opportunité de travailler avec de grandes entreprises telles que Renault et Fiat.

Étant designer senior chez Ford Motors depuis 2012, décrivez-moi votre rôle chez le constructeur automobile.

Nous travaillons à la conception du Passenger et certains autres véhicules commerciaux dans notre studio de design. En premier lieu, nous recevons de l’information du département de marketing au sujet des besoins du marché. À partir de ce moment, le processus de création commence. Comme l’ensemble des studios de design, tout débute en crayonnant sur du papier. Selon nos besoins, nous créons de trois à quatre propositions. Après une série de critiques et corrections, nous choisissons l’une d’entre elles et nous la reproduisons à travers un logiciel 3D. Ensuite, nous acheminons le modèle 3D dans un moulin à argile pour matérialiser celui-ci dans la réalité.

Ensuite, nos modélistes effectuent des corrections sur le prototype en argile, selon nos directives. Ce processus se poursuit jusqu’à la conception la plus fidèle à nos besoins. Bien entendu, le département d’ingénierie collabore étroitement afin d’en faire un produit qui sera prêt pour la fabrication à grande échelle. Concevoir les voitures du futur et diriger le processus de création, c’est mon rôle au Studio de design chez Ford. C’est un travail très difficile, mais aussi très excitant. C’est le travail dont je rêvais depuis ma tendre enfance !

Décrivez-moi votre concept de l’Apple Car 2076.

En tant que designer, je réfléchis constamment à l’avenir. À quoi ressembleront le futur des transports, le mode de vie et l’ordre du monde dans 50 ans ? Quand nous créons, nous devons réfléchir à notre vie en trois dimensions. Nous sommes tous connectés au passé et au futur à la fois. Partant de ce point de vue, j’ai commencé à écrire un scénario issu de ma propre perspective de l’avenir. Quand on pense à Apple, on pense souvent à un « look » lisse et raffiné. Selon moi, cette tendance sera peut-être bien désuète dans le futur. Je crois que progressivement, les arêtes des produits technologiques seront plus nettes et simples, tout comme notre style de vie.

Chaque jour, notre style de vie côtoie de plus en plus l’autonomie. Nos téléphones, nos voitures et plusieurs autres appareils feront encore plus de tâches pour nous. En conséquence, je crois que les voitures seront totalement autonomes dans le futur. Cette tendance affectera bien entendu le design intérieur des véhicules. Si l’on a plus besoin de conducteurs, la voiture devra nous donner l’impression d’être assis confortablement à la maison. Également, l’utilisation des hologrammes et de la reconnaissance vocale supportera l’ensemble des commandes intérieures de l’automobile. Dans un futur lointain, les routes seront complètement différentes d’aujourd’hui. Selon moi, les routes du futur seront magnétiques. Les voitures flotteront, seront silencieuses et plus rapides. Cette technologie, appelée sustentation électromagnétique (Maglev), donnera la possibilité de manoeuvres à 360 degrés.

 Votre concept de voiture pourrait se retrouver dans un univers cinématographique tel que Blade Runner.  Avez-vous une passion pour la science-fiction ?

Absolument ! Je suis obsédé par les films de science-fiction, comme la plupart des designers d’ailleurs. On y retrouve beaucoup de produits qui n’existent pas aujourd’hui. Cependant, croyez-moi, ces films nous donnent d’intéressants indices sur ce que le futur pourrait ressembler.

Par exemple dans le film 2001: A Space Odyssey, l’un de mes films préférés d’ailleurs, il y a un supercalculateur doté d’une intelligence artificielle appelé CARL (Cerveau analytique de recherche et de liaison). À l’époque de la sortie du film, on ne pouvait pas s’imaginer pouvoir discuter avec un ordinateur. Mais aujourd’hui, nous pouvons parler à des assistants vocaux tels que Siri. Si cette intelligence artificielle apprend d’elle-même, je suis convaincu qu’elle sera plus intelligente que l’humain. Quand j’étais adolescent, le film The Island m’a aussi beaucoup inspiré. Le personnage principal, un designer de véhicules de transports, rêvait et faisait la conception d’un bateau. Les scènes de ce film ont véritablement influencé ma passion de devenir designer.

Et quels sont vos films de science-fiction favoris ?

J’en ai tout plein, mais voici mon top 5 !
1er   2001: A Space Odyssey
2e   Contact
3e   Arrival
4e   Interstellar
5e   Star Wars

Quels sont les designers qui vous inspirent ?

Quand je réalise des présentations chez Ford, j’utilise le langage architectural et d’autres sources d’inspirations du domaine des arts et du design. Parfois, ça peut être de la musique, de la peinture ou des sculptures. Je crois tout de même que le designer le plus talentueux est la nature. Vous y trouvez une variété infinie de design, de couleurs et de formes.

Je suis inspiré par le designer automobile visionnaire Giorgetto Giugiaro, et par Theo Jansen qui crée des sculptures cinétiques. Aussi, Elon Musk m’inspire par ses projets de design automobile, ses solutions environnementales et spécialement ses projets dans l’espace. Également, Scott Robertson est un artiste conceptuel dont j’ai beaucoup appris de son processus de création et de ses tutoriels de croquis. Et par ses concepts de prototypes de véhicules hallucinants, Daniel Simon fait partie de ma liste de créateurs inspirants. Quand il crée, ses idées sont conçues pour se rapprocher le plus possible d’une véritable production. Je suis fasciné par son concept de véhicule volant nommé Bubbleship dans le film Oblivion.

Avez-vous déjà rêvé que l’équipe de design de Apple jette un regard sur votre concept ?

Bien sûr que j’y rêve ! Ce serait fantastique de les rencontrer et de leur présenter mon concept. Si j’avais la chance de travailler avec eux, j’en serais très honoré.

L’industrie automobile est dans une véritable révolution technologique. Est-ce exaltant pour un designer de travailler au coeur de cette révolution ?

Absolument, cette période offre aux designers d’énormes possibilités de création. Certains clubs d’automobilistes sont vraiment en colère contre les voitures autonomes. Ils mentionnent qu’une automobile a besoin d’un vrai conducteur, sans quoi on ne pourra plus appeler ça une automobile. Certains autres sont heureux, car cela apportera de nombreux avantages. L’intelligence artificielle est également dans une étape considérable de notre histoire technologique. Les humains sont des créatures inexactes qui commettent de nombreuses erreurs au quotidien. L’intelligence artificielle nous protégera et préviendra nos vies de ces erreurs. En fait, elle sera peut-être notre meilleure amie, rendant ainsi notre vie plus facile et plus simple.

Votre concept est le résultat de l’héritage de 100 ans de design chez Apple. Vous croyez donc que Apple survivra à son centenaire ?

Je suis convaincu que Apple existera encore dans 100 ans, surtout s’ils maintiennent de sérieux investissements dans l’innovation. Par contre, les décideurs se doivent de rester prudents dans leurs ambitions et conscients de leurs politiques environnementales. Ces multinationales auront un impact sur le bonheur ou le malheur du monde. Nous ne voulons  certainement pas vivre dans un monde sombre et infernal comme l’illustrent certains films de science-fiction.