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Epic Games contre Apple et Google

Epic

L’acronyme GAFA ou GAFAM désigne l’alliance de Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft. C’est un terme peu connu aux États-Unis, mais extrêmement répandu dans le milieu juridique européen, et au-delà, dans toute la société. Fortnite est un jeu produit par Epic Games qui rencontre un très fort succès auprès d’une large catégorie du marché. Et l’image qui coiffe cet article est bel et bien une représentation artistique de Tim Cook réalisée par les équipes d’Epic Games.

La guerre des générations

Commençons par le commencement. Après avoir chamboulé le quasi-monopole de Steam (Valve) dans l’industrie du jeu vidéo sur ordinateur avec l’Epic Store, Epic Games vient maintenant d’entrer en conflit frontal avec les mastodontes que sont Apple et Google. En effet, le développeur vient de forcer Apple ainsi que Google à retirer Fortnite, un jeu immensément populaire qui est devenu un réseau social chez les adolescents, de leurs plateformes de distribution. Comment Epic a-t-elle forcé la main d’Apple ? Et pourquoi se tirer dans le pied ainsi ? D’abord pour enfreindre volontairement les règles d’Apple et de Google sur leurs boutiques respectives. Puis en orchestrant une campagne de pub dont l’ironie fera sourire les plus anciens utilisateurs de Mac. Pour bien des adolescents, par contre c’est un casus belli qui risque d’éplucher la réputation de la Pomme. Tout en détournant les choix de téléphones intelligents vers la concurrence pour la période clé des achats « rentrée scolaire ». En bref, tout indique qu’Epic Games prévoyait son coup [d’État] depuis un long moment.

L’établissement d’une règle

En 2003, grâce à la popularité d’un des modes dématérialisés de Half-Life, Counter Strike, Valve décide de vendre certains de ses jeux/modes via sa plateforme Steam. Ce fut le premier magasin ultra populaire de ventes de jeux dématérialisés. Il marquera le début de la fin pour beaucoup de magasins de quartier spécialisés dans le jeu vidéo. À l’époque, presque tous les joueurs connaissaient Counter Strike. Ce phare virtuel propulsera les jeux de Valve vendus via Steam au panthéon, puis ceux des autres développeurs, qui devaient toutefois qu’ils verser 30 % de la valeur de leurs propres profits à la plateforme Steam (Valve). Les développeurs tiers (EA, Sidmeirs, Ubisoft) ne recevaient donc que 70 % du prix de vente de leurs productions vendues en format dématérialisé. Quelques années plus tard, le succès de Steam fit des envieux. Electronic Arts lança Origins, sa propre plateforme pour vendre ses jeux, sans véritablement arriver à déboulonner l’indéboulonnable Steam.

Pendant ce temps dans les années 2010

Les téléphones intelligents et les tablettes gagnèrent en popularité à partir de l’année 2010. Avec eux, les magasins d’applications émergèrent rapidement. Il s’agissait toutefois d’applications web, contrainte imposée dès le départ par Apple et Google. Ces dernières finirent toutefois par céder et mirent à la disposition du grand public des kits de développement pour iOS et Android qui allaient servir à créer des applications vendues exclusivement sur leurs boutiques respectives. Les deux compagnies décidèrent également de s’aligner sur la taxe de 30 %, peut-être parce qu’aucune taxe ne peut être arbitraire. Les deux mastodontes pouvaient donc arguer que ce 30 % n’était pas une taxe (ou barrière à l’entrée), et même si c’en était une, elle n’avait rien d’arbitraire. C’était la coutume de l’époque. (Dans les pays occidentaux, ce genre « barrières » ne peut pas tenir de l’arbitraire). De même, les GAFA n’étaient alors généralement pas perçus comme des substituts d’états. Les lois n’étaient non plus pas encore prévues pour ce qu’ils allaient devenir.

Souveraineté digitale et lois anticoncurrentielles

Bien qu’étant des compagnies fondées sur les droits nationaux, les GAFA finirent par représenter une menace pour la souveraineté digitale des Etats, avec l’Union européenne en fer de lance. Quand bien même il ne s’agissait pas d’une question de souveraineté, l’opposition se forme alors sur les lois antitrust qui ne peuvent tolérer l’établissement ou le maintien d’un monopole ou l’imposition de certaines règles à des partenaires. (Pratique anticoncurrentielle, l’UE ouvre une enquête sur l’App Store)

En résumé, dans plusieurs pays, les GAFA ne peuvent jouir des mêmes droits que l’Etat.

Epic en Chevalier blanc

Connaissant le contexte actuel, Epic a donc décidé d’essayer de faire plier les règles des App Store concurrents. Très vite, des compagnies populaires auprès des jeunes comme Spotify ont applaudit le mouvement, sans toutefois eux même entrer en résistance. L’issue demeurant beaucoup trop incertaine. Même si Epic arrivait à utiliser à ses fins les prises de position de l’UE, il est pratiquement garanti que la décision ne s’exporte pas vers les États-Unis. Cela dit, Epic voit l’occasion qui se présente à elle, et Bill Gates lui-même blâme les lois antitrust américaines (en général moins sévère qu’en Europe) pour l’échec de Microsoft à s’imposer dans le domaine du mobile.

Des théories de complot géopolitique

Nous savons tous qu’actuellement l’administration américaine a peur de tout, et particulièrement de TikTok et Transcend. Cela dit, coupons court à la folie. Même si Tencent possède 40 % d’Epic Game, des sources proches de la Maison-Blanche préviennent que les ordres/ décret de bannissements ne concerneraient pas l’industrie du jeu vidéo.

La source est visiblement un membre d’un quotidien américain, clamant faire partie du cercle intérieur de la Maison-Blanche, pour nous expliquer qu’il n’y a rien à craindre.

Ce serait donc seulement parce que le jeu vidéo est tabou avec l’actuelle administration que le président Trump ne se serait pas exprimé en public. Cela ne l’empêche cependant pas de menacer Tencent ou bien des réseaux sociaux comme WeChat et TikTok. Cela n’a rien de surprenant quand on reconnaît qu’une grande partie de ses stratégies de campagnes reposent sur Twitter, et non sur les médias traditionnels. Cependant, s’exprimer sur le domaine du jeu vidéo semble honteux et indigne de lui. Pourtant Fortnite est devenu davantage qu’un jeu vidéo et partage énormément de caractéristiques avec les réseaux sociaux. En effet, de nombreux artistes populaires comme Travis Scott se servent de la plateforme unique du jeu pour diffuser des concerts géants entre deux parties de BattleRoyale. Le phénomène a pris une immense ampleur avec le confinement.

Conclusion

Bien que toute cette histoire puisse paraître anodine, il faut reconnaître que tous les ingrédients sont réunis pour provoquer un changement de paradigme sur le marché de la dématérialisation. C’est-à-dire
qu’Apple pourrait se retrouver contrainte à autoriser l’installation d’applications via d’autres stores ou de revoir ses conditions d’utilisation. Parfois il arrive que le consommateur tire bénéfice de ce type de situation (l’émergence de Free en France a brisé un cartel d’opérateurs téléphoniques, avant de faire baisser les prix. Contrairement à la Suisse. Et au Canada). Dans d’autres cas, ces situations sont simplement les prémisses d’une passation de pouvoir entre deux géants, Microsoft laissant jadis la part du lion à Android sur le marché du mobile par exemple. Cela dit, il est toujours aberrant de voir des compagnies justifier l’imposition de taxes par la mise en place d’infrastructure (App Store, iOS, Android) alors que les Etats ne les imposent plus (ou presque plus) pour l’utilisation du matériel (les câbles et conduits-fibre) qui permettent le développement de cesdites infrastructures. Et c’est pour cela que le contexte est très important. Epic Games espère probablement tirer profit ou orchestrer une convergence des luttes contres les GAFA. Cela dit, si Epic ou un autre sème suffisamment le chaos, peut-être que les choses changeront pour le meilleur ou pour le pire. En tout cas, l’année 2020 est l’année de tous les dangers pour les GAFA.

 

À propos de l'auteur

David, Nicolas Neyroud

David, Nicolas Neyroud

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